Virus
– Salut, dit-elle. Le café coule.
– Salut Andréa. Merci.
– Bien dormi ?
– Comme une bûche…
– Il fait beau aujourd’hui. Et tu aimes toujours bien pisser dehors.
– J’aime bien, oui.
– Tu as l’impression d’être chez toi.
– Hum, oui, j’imagine…
– Mais ce n’est pas le cas.
– Non, ce n’est pas le cas. Où veux-tu en venir ?
– Je ne veux venir nulle part.
– Vas-y…
– Le café est prêt. Avec ce virus, il est légitime de penser à devenir indépendant.
– Hum…
– Se trouver un coin paumé, avec de l’eau, s’y installer, planter des patates…
– Merci pour le café…
– …Organiser sa vie pratique pour qu’elle ne dépende pas du confinement, être propriétaire de sa maison, à côté d’un sous-bois, manger local, tout ça.
– En effet, oui, ça traverse l’esprit.
– Ça traverse, mais ça ne s’arrête pas.
– Non, ça ne peut pas s’arrêter vraiment… Déjà qu’avec le réchauffement climatique, parier sur le bon endroit relève du défi…
– Donc, dit-elle en commençant sa gymnastique du matin, vous en êtes toujours au même point : pas de doctrine.
– Pas de doctrine, non. Je ne sais pas où il pleuvra encore assez dans dix ans et je ne sais pas où il ne pleuvra pas trop.
– Sans compter… (elle commence une série de pompes) que devenir propriétaire… est tout le contraire… d’une solution… si le prochain… gros pépin… sort d’une centrale nucléaire… Ça ne protège pas… et quitter son… chez-soi… arrache… le coeur…
– Tu en fais combien ?
– Sur les six pattes… cent-vingt… Je pourrais plus… mais ça m’ennuie… super vite…
– Et donc ?
– Donc rien… Pas de doctrine… Pas de doctrine… Je ne suis pas… équipée… pour pondre… des miracles… mais pour dire… après vous… une minute… de poésie… chaque jour… Bon, lâche-t-elle.
– Tu en as fait cent-vingt là ?
– Non-non, ça me fait suer. En plus, ça tire sur la batterie pour rien.